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Récemment, plusieurs rapports ont émis l’hypothèse selon laquelle la baisse des ventes dans le secteur végétal serait le signe que la demande pour des alternatives végétales a atteint son point maximum. Les données du marché, publiées par la société de technologie des données SPINS, suggèrent que le marché des alternatives végétales à la viande aurait reculé de 1,8 %. Ce chiffre a valu de nombreuses parutions sonnant le déclin de l’industrie végétale. Mais bien que la croissance des ventes de produits substituts à la viande et aux produits laitiers ait ralenti en 2021, cela ne signifie pas pour autant un déclin de l’ensemble de l’industrie.
Nous identifions trois éléments qui influencent notre perception. Tout d’abord, de nombreuses statistiques sont diffusées, mais reflètent-elles bien la situation dans son ensemble ? Deuxièmement, la pandémie a entraîné des changements dans le comportement d’achat des consommateurs. Et le fait qu’elle soit à présent derrière nous affecte à nouveau les choix de consommation. Enfin, il importe de prendre en compte le stade auquel se trouve la catégorie de produits dans son cycle de vie.
Les données SPINS de 2021, souvent citées, ont enregistré une baisse des ventes de 1,8 % pour le marché des substituts de viande, ainsi qu’une baisse annuelle de 15 % pour l’ensemble de la catégorie des alternatives végétales à la viande, au mois d’avril de cette année aux États-Unis. Les données publiées par la société de business intelligence IRI ont également indiqué une baisse de 16,1 % des substituts de viande aux États-Unis. [3]
Par ailleurs, des sources telles que Food Dive et The Spoon ont fait référence à un communiqué de presse de Maple Leaf Food, une entreprise canadienne de charcuterie, indiquant que les ventes de leur Plant Protein Group ont chuté de 1,2 % au troisième trimestre 2021. [4] Dans le même temps, le cours de l’action Beyond Meat a chuté d’environ 50 % en raison d’objectifs de gain non atteints et de changements dans le comportement des consommateurs. [5] Des chiffres inquiétants pour les investisseurs et les entreprises qui espèrent élargir leur gamme de produits végétaux.
Mais que ne nous dit-on pas ici ? En ce qui concerne Beyond Meat, on ne peut pas parler d’échec ou de déclin important sans prendre en compte les problèmes de livraison auxquels l’entreprise a été confrontée en 2021, en raison de conditions météorologiques extrêmes et d’une incapacité à répondre à une gigantesque demande.
Selon l’entreprise d’ingrédients végétaux Roquette Freres, le Canada a subi une baisse de 45 % de la production de pois en 2021, suite à la sécheresse estivale, ce qui a affecté la production de protéines de pois pour les entreprises de l’industrie végétale. [6]
Pour Beyond Meat, cela s’est traduit par une incapacité à honorer les commandes, ce qui a donc affecté le cours de son action. Il ne s’agit donc pas simplement d’une baisse de la demande des consommateurs et professionnels de l’alimentaire.
Sans compter que les données actuelles ne reflètent que le marché nord-américain, ce qui signifie qu’une large partie du schéma mondial n’est pas prise en compte. Par exemple, le cours de l’action et les performances de Beyond Meat aux États-Unis ont souffert au cours de l’année écoulée, mais son expansion en Europe et en Chine indique que l’entreprise connaît toujours une forte croissance et qu’elle élargit sa portée auprès des consommateurs. [7] Selon le Good Food Institute, l’Europe occidentale a connu une croissance de 19 % des ventes de substituts de viande en 2021, tandis que l’Europe orientale a enregistré une croissance encore plus impressionnante de 34 %. [8]
De nombreux experts s’accordent avec certitude pour dire qu’il existe encore des zones de demande inexploitée et des opportunités de croissance, notamment sur le marché de l’Asie et du Pacifique. Des recherches menées en Inde et en Chine sur l’intérêt des consommateurs pour les alternatives végétales à la viande ont révélé que, respectivement, 62,8 % et 62,4 % des consommateurs étaient fortement susceptibles d’acheter des alternatives végétales à la viande, contre seulement 32,9 % aux États-Unis. [9]
En suivant de près l’évolution des alternatives à la viande et l’intérêt des consommateurs à travers le monde, nous sommes en mesure de mieux comprendre la direction que prendra réellement l’industrie dans les années à venir.
Par ailleurs, les acteurs de la viande de culture sont particulièrement confiants par rapport aux retombées positives de l’industrie des produits de culture. Selon Allyson Fish, Présidente de Global Plant and Alternative Proteins au sein de la société d’ingrédients ADM, la viande de culture représente une énorme opportunité : « Peut-être que le TCAC (Taux de croissance annuel composé) ne sera pas de 40 % comme certains le prévoyaient, nous dit-elle, mais il s’agira tout de même d’une croissance très saine ». [10]
Une fois que les réglementations auront rattrapé les progrès de la viande cellulaire, c’est toute l’industrie de la viande qui risque d’être bouleversée.
En fin de compte, la baisse des ventes des alternatives à la viande en Amérique du Nord ne nous donne pas un aperçu fiable pour mesurer le succès de l’industrie végétale dans son ensemble. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le succès des catégories végétales dans d’autres secteurs du marché. En 2022, SPINS a publié une autre série de statistiques, en collaboration avec le Good Food Institute et la Plant Based Foods Association, indiquant que les ventes au détail de produits alimentaires d’origine végétale aux États-Unis ont augmenté de 6,2 % en 2021. Au même moment, la marque allemande Rügenwalder Mühle a vu ses ventes de viande diminuer de 1,9 %, tandis que ses produits végétariens et végétaliens augmentaient de 41,6 %. [11] Il apparaît clairement que la situation n’est pas aussi tranchée que ce que nous rapportent certains discours.
La pandémie a eu un impact considérable sur les habitudes alimentaires des populations du monde entier et nous commençons seulement à percevoir de quelle façon le marché des produits d’origine végétale évolue suite à la crise. Puisqu’à cette période, la seule option était de manger à la maison, il n’est pas étonnant que les ventes de nombreuses marques de supermarchés aient connu une croissance sans précédent.
Mais maintenant que nous pouvons reprendre notre vie sociale et que les restaurants, cafés et bars ont rouvert leurs portes, les achats au supermarché diminuent naturellement, tandis que les repas à l’extérieur et commandes à emporter augmentent. Selon les données du NPD Group, les dépenses de consommation dans les restaurants aux États-Unis ont augmenté de 16 % en 2021, après avoir subi une baisse de 12 % en 2020. [12]
Parmi les statistiques faisant état d’une baisse des ventes de produits d’origine végétale dans les supermarchés, beaucoup ne tiennent pas compte de cette évolution vers les repas pris en extérieur ni de l’augmentation des options d’origine végétale disponibles dans les restaurants. Une étude de Tastewise montre que le nombre de substituts de viande véganes sur les menus américains a augmenté de 1 320 % par rapport aux chiffres d’avant la pandémie. Il est donc clair que même si certains produits connaissent un ralentissement dans les rayons des supermarchés, le secteur de la restauration végétale connaît, lui, toujours une croissance importante. [13]
Les événements géopolitiques, comme la guerre en Ukraine, contribuent également à une augmentation considérable du coût de la vie, réduisant ainsi le budget que les familles peuvent consacrer à l’alimentaire. Il est largement reconnu que les produits d’origine végétale sont souvent plus chers que leurs équivalents d’origine animale. Selon Jon Copestake, Senior Consumer Analyst chez EY, « les consommateurs ne veulent pas payer pour la durabilité » et seulement 17 % sont prêts à payer une prime végétale. [14].
Si les marques végétales veulent rester pertinentes et continuer à augmenter leurs ventes, elles doivent s’efforcer d’atteindre le plus rapidement possible la parité de prix avec les produits d’origine animale. Les études montrent que seuls 25 % des flexitariens sont prêts à payer un prix plus élevé pour une alternative végétale à la viande. [15] Si l’on combine ce chiffre avec la crise du coût de la vie et ses conséquences sur la diminution de la demande, cela signifie que de nombreux flexitariens sont plus susceptibles de se rabattre sur l’alternative animale, moins chère.
Selon Corey Chafin, Partenaire associé de la société de conseil Kearney, des prix similaires entre les produits d’origine animale et végétale entraineraient une augmentation de 2,7 à 20 % de part de marché des ventes d’alternatives végétales aux États-Unis (chiffres 2020). [16] Si vous souhaitez savoir comment le prix des offres végétales de votre entreprise peut s’aligner avec celui des produits d’origine animale, consultez l’article du New Food Hub : '3 façons d’atteindre la parité de prix et de stimuler les ventes'.
La crise du coût de la vie a également encouragé la préférence des consommateurs pour les marques de distributeur, moins chères, contrairement au comportement adopté à l’époque de la pandémie, où les consommateurs optaient pour des marques plus connues et plus fiables. Selon les statistiques de l’IRI, les marques de distributeur représentent aujourd’hui 35 % de la valeur totale des ventes de produits de grande consommation en Europe. [17] Les données indiquant une baisse des ventes de produits d’origine végétale ne tiennent pas compte des ventes de marques de distributeur, car ces données ne sont pas toujours disponibles. [18] Cela est d’autant plus important que les ventes de produits de marque blanche aux États-Unis ont dépassé celles de leurs concurrents, avec une croissance des ventes en dollars de 6,5 % au premier trimestre 2022, contre 5,2 % pour les marques nationales. [19]
En outre, ces marques de distributeur élargissent et améliorent constamment leur offre de produits végétaux. Par exemple, au cours de ces deux dernières années, les marques américaines Walmart et Trader Joe’s ont toutes deux lancé des galettes de viande végétale sous leur propre marque répondant ainsi à la demande croissante. Au Royaume-Uni, Aldi a également vu ses ventes de produits végétaux augmenter de 500 % en janvier 2022, par rapport à janvier 2021. Parmi les produits de l’enseigne, on retrouve notamment un burger végétal 60 % moins cher que la version de la marque Beyond Meat. [20] L’absence de ces produits dans les statistiques de vente de l’industrie rend extrêmement floue la vision que l’on peut avoir du secteur.
Un autre facteur important à garder à l’esprit : le secteur du végétal n’en est qu’à ses balbutiements. Par rapport à l’industrie traditionnelle de la viande et des produits laitiers, le secteur a à peine eu le temps de montrer de quoi il est capable (ou non). Si les chiffres faiblissent aujourd’hui dans certains segments, cela n’aura que peu d’impact sur ce que sera le marché dans 10 ou 20 ans. Selon Gary Stibel, fondateur et PDG de The New England Consulting Group, « Il s’agissait simplement de prévoir ce qu’on appelle la courbe d’adoption de l’innovation (novelty curve) » [21]
Comme pour tout nouveau produit ou marché, on observe souvent un niveau d’engouement élevé qui ne peut pas durer éternellement — ce qui entraîne des taux de croissance initiaux qui ne sont pas tenables. Beyond Meat, par exemple, a connu ces dernières années un intérêt et une croissance astronomiques records. [22] Il n’est pas surprenant que cette entreprise rencontre des difficultés — dont certaines dues à des facteurs inévitables —, mais ce n’est pas pour autant le signe avant-coureur d’un ralentissement du secteur dans son ensemble.
D’autres soutiennent également qu’il est beaucoup trop simpliste de considérer le « végétal » comme une seule entité — et cela se reflète dans les statistiques. Si les ventes de burgers végétaux réfrigérés sont en baisse aux États-Unis, celles des produits surgelés, par contre, sont toujours en hausse. Les entreprises doivent examiner de près quels sont les segments spécifiques du secteur végétal qui ont le vent en poupe. Ce secteur comprend non seulement les alternatives à la viande, mais aussi aux fruits de mer, aux produits laitiers, aux confiseries, etc. [23]
De manière générale, il est clair que la plupart des secteurs connaissent encore une croissance, même si les chiffres ne sont pas aussi élevés qu’au début de la pandémie. Toutefois, les catégories de produits en difficulté — comme les burgers végétaux, par exemple — peuvent nous donner une bonne leçon. Si l’industrie du végétal veut vraiment rivaliser avec les entreprises traditionnelles de production de viande et de produits laitiers, il lui reste encore beaucoup à faire pour convaincre davantage les consommateurs de passer aux produits végétaux.
Outre la parité des prix, il faut tenir compte d’un certain nombre d’autres facteurs. Par exemple, les consommateurs sont de plus en plus en recherche de produits aux ‘labels clean’, dans leur quête d’une alimentation plus saine. Près de deux tiers des adultes américains s’accordent à dire que les aliments totalement d’origine végétale sont plus sains que les substituts de viande transformés dont la liste des ingrédients est parfois longue et déroutante. [25] Les entreprises qui cherchent à augmenter leurs ventes de substituts de viande devraient davantage se concentrer sur cet aspect de leur produit durant la phase de développement, si elles ne veulent pas risquer de faire fuir les flexitariens ou ceux qui s’initient à ce type de produits.
Plutôt que le début de la fin pour le secteur du végétal, nous voyons donc la fin du début. Les produits végétaux sont en train de sortir de l’enfance et nous voyons aussi bien des marques que des innovateurs technologiques se développer au niveau mondial. Dans les années à venir, il se peut que nous ne connaissions plus le type de croissance exponentielle que Beyond Meat a connu vers la fin des années 2010. Au lieu de cela, le secteur gagnera en maturité et s’orientera vers des modèles de croissance plus durables.
Pour finir, il ne faut surtout pas oublier que le contexte est primordial. Les événements mondiaux actuels — de la sécheresse à la pandémie en passant par la guerre en Ukraine — ont tous un impact sur la production agricole et la demande des consommateurs. Il est essentiel pour les entreprises de suivre de près les évolutions et de s’y adapter. L’expansion sur un jeune marché comporte de nombreux risques et des conditions souvent imprévisibles. Mais elle offre également des possibilités de retours élevés et la chance pour votre entreprise d’être un précurseur dans une révolution des systèmes alimentaires.
*Cet article est une traduction de ‘There’s no stopping the rise of plant-based meat’ de ProVeg International.